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mercredi 14 octobre 2015

La Russie n'aime pas Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015

Née en Ukraine en 1948, journaliste et écrivain biélorusse, cette grande dame a consacré l'essentiel de son oeuvre à restituer la mémoire du monde soviétique, avec un art qui réconcilie le documentaire et la littérature.
En 2013, elle avait publié une somme, «la Fin de l'homme rouge, ou le temps du désenchantement», qui lui avait valu de décrocher en France le prix Médicis essai (traduit du russe par Sophie Benech, chez Actes Sud).
Le grand entretien qu'elle a accordé à Vincent Jauvert sur l'Homo Poutinus est plus que jamais d'actualité. Il est à (re)lire ici, sans attendre
Le Nouvel Obs





Dans son livre "La Fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement", Svetlana Alexievitch poursuit son patient recueil de témoignages pour ausculter le coeur et l'âme de l'Homo sovieticus, passé brutalement du totalitarisme au nihilisme. L'écrivaine journaliste ne cherche pas à comprendre le pourquoi de l’effondrement de l’URSS. Elle veut montrer les conséquences de cette chute dans le quotidien de millions de personnes. Trouver et garder une trace de ce qu’était l’Union Soviétique. Armée d’un dictaphone et d’une oreille fine, elle est partie, à travers la Russie, à travers le temps, à la rencontre de celles et ceux qui ont vécu l’URSS, qui ont participé à son existence, qui en ont payé le prix. De cette multitude de témoignages, cinq ont été choisis et adaptés par la Fiction de France Culture, pour constituer un Feuilleton en cinq épisodes où cinq vies, cinq voix se font entendre.
France Culture



On s'en doute, les dégénérés poutinoïdes, le torchon Spoutnik titrant "la Prix Nobel de littérature accusée de mensonge" (ici)  ou encore "un Nobel de littérature 2015 russophone et russophobe" (ici) ... Interdit de rire.






Svetlana Alexievitch, le Nobel qui fait enrager la Russie

 «Je n'aime pas cette Russie qui se réjouit à 86% des morts dans le Donbass, rit des Ukrainiens et croit qu'on peut tout régler par la force», a déclaré Svetlana Alexievitch à Minsk, le 8 octobre 2015. L'auteure biélorusse, qui écrit en russe et a des racines ukrainiennes, venait de recevoir le prix Nobel de littérature 2015. Ce prix et ces paroles ne sont pas du goût de tout le monde en Russie. 
«J'aime le monde russe, bon et humaniste, devant lequel tout le monde s'incline, celui du ballet, de la musique et de la littérature. Mais je n'aime pas celui de Béria, Staline, Poutine et Choïgou (le ministre russe de la Défense), cette Russie qui en arrive à 86% à se réjouir quand des gens meurent dans le Donbass, à rire des Ukrainiens et à croire qu'on peut tout régler par la force.» Cette déclaration date du 8 octobre 2015, et Svetlana Alexievitch a appelé le même jour à «ne pas faire de concessions à un régime totalitaire».

L'auteure biélorusse est reconnue pour ses recueils de témoignages poignants sur la période soviétique. Mais elle n'a pas attendu le Nobel de littérature pour prendre position contre Vladimir Poutine, dont elle n'apprécie pas le «néopatriotisme». Elle a en particulier très clairement dénoncé le «lavage de cerveaux» auquel se livre la télévision russe au sujet du conflit ukrainien. ​Svetlana Alexievitch, née en Ukraine de père biélorusse et de mère ukrainienne, avouait «avoir pleuré à Maïdan devant les photos de ces jeunes hommes tués».

Le nouveau Nobel de littérature considère que la Russie se livre en Ukraine à une «occupation». En réponse, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré à l'agence Tass (lien en russe) avec quelque condescendance que «Svetlana n'avait sans doute pas tous les éléments pour juger des événements en Ukraine». 

«Un Nobel russophone et russophobe»
«Un Nobel de littérature russophone et russophobe», titre Sputniknews le 8 octobre 2015. Condescendance aussi sur le site d'information du Kremlin à destination de l'étranger, pour qui ce Nobel russophone ne mérite qu'un petit article. Juste le temps de citer un 
critique littéraire russe qui estimait en juillet, dans les colonnes du journal Svobodnaïa Pressa (Presse libre), que «Svetlana Alexievitch, proche de l'opposition pro-occidentale biélorusse, avait de bonnes chances d'obtenir le Nobel 2015 en raison de sa russophobie et de sa haine à l'égard du président russe Vladimir Poutine»Un avis que partage le correspondant du PC russe Oleg Smirnov, qui déplore sur Twitter un prix obtenu «pour sa haine contre la Russie».

Le rédacteur en chef de la prestigieuse LitGaz (Litteratournaïa Gazeta), l'écrivain Youri Poliakov, considère que cette récompense n'a aucune valeur littéraire, qu'il s'agit d'un «acte purement politique, un prix de soutien aux auteurs d'opposition dans un contexte où la politique est toute-puissante». Pour lui, les livres de Svetlana Alexievitch, «écrits dans une forme journalistique», ne sont «pas de la grande littérature».

«Sans valeur littéraire»
Les médias russes ne cèdent pas tous à la polémique et beaucoup saluent le talent de l'écrivain. Mais dénier toute valeur littéraire à ce prix est une tactique prisée de certains. Le «sulfureux» écrivain Edouard Limonov, fondateur d'un parti national-bolchévique aujourd'hui interdit en Russie, qui soutient l'annexion de la Crimée – une idée que Poutine lui aurait piquée – et s'est engagé dans le Donbass ukrainien au côté des forces russes, estime, d'une façon plus générale, que le Nobel est «sans intérêt d'un point de vue littéraire», comparable à «une élection de Miss Univers» pour sa «vulgarité politique» et ses «auteurs de troisième zone». Les commentaires de l'article de la presse ukrainienne qui le cite renvoient «Edik» à son narcissisme.

Incompréhension en Russie, joie en Ukraine
En Russie, où l'œuvre d'Alexievitch lui a valu procès et insultes mais n'est que très peu lue, ce Nobel a été accueilli plutôt fraîchement. Selon un sondage publié par le quotidien économique Vzgliad (lien en russe), 59,1% des personnes interrogées ont appris la nouvelle «avec stupeur», 19,7% «avec honte», 10,4% seulement «avec joie». La joie était mieux partagée côté ukrainien, où le correspondant en Biélorussie du site Tut.by se réjouissait sur Twitter que «S.Alexievitch récolte plus de likes que les couchers de soleil sur Instagram». «Même si jusqu'à hier personne ne savait qui c'était», lui répondait un autre internaute.


Un site d'info ukrainien parle d'un «prix engagé» qui «fait enrager la Russie», le site nationaliste Sputnik et Pogrom en profite pour citer sur Twitter cette déclaration de Svetlana Alexievitch lors d'une interview au Spiegel allemand : «En chaque Russe sommeille un petit Poutine.» Beaucoup font le lien entre ce prix Nobel et le conflit ukrainien – pour le politologue biélorusse Alexandre Fedouta, la guerre dans l'est de l'Ukraine réactualise ce livre de Svetlana Alexievitch qui donne la parole à des parents de jeunes Russes rentrés d'Afghanistan... dans des Cercueils de zinc.

«Une voix pour s'opposer à Poutine»
Avant l'attribution de ce Nobel, alors que Svetlana Alexievitch était donnée favorite, le journaliste de l'opposition Oleg Kachine donnait son sentiment dans les colonnes de Slon (lien en russe). Kachine voit en Alexievitch «le leader possible du véritable monde russe (...) l'autorité morale qui manque à la Russie pour tenir tête à Vladimir Poutine». Enfin, citons Alexandre Markov, spécialiste russe de la culture chrétienne, pour qui «le comité du Nobel a su tourner le dos à la real politik pour faire le choix d'une littérature de sagesse».

 Geopolis



1 commentaire:

  1. Si tu dis du mal de la Sainte Russie, tu es russophobe. Et être russophobe, c'est pas bien.

    Les mêmes qui dégoisent sur l'Occident à longueur de journée...

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