La nouvelle alliance émergente : La faible Russie poutinienne, les états islamistes de Turquie et d'Iran[c'est compréhensible, le rapprochement Russie-Turquie-Iran. Après tout, le Poutine considère que l"Orthodoxie est plus proche de l'Islam que du Catholicisme]
+ le club des amis de Marine Lepenskaïa & Méchancon
I La nouvelle alliance émergente : Moscou, Ankara et Téhéran
La chute d’Alep marque un tournant dans la guerre syrienne, mais
constitue aussi une étape importante dans le basculement de l’Histoire.
C’est le point culminant de l’alliance nouée entre l’été 2015 et l’été
2016 par trois puissances émergentes, autoritaires et qui contestent
l’ordre des Occidentaux issu de la chute du mur de Berlin : la Russie,
l’Iran et la Turquie.
Pendant longtemps, l’Iran, puissance chiite, et la Turquie, alliée des Etats sunnites du Golfe, ont été de grands rivaux, au premier chef sur le théâtre syrien. L’entrée en jeu de la Russie,
en septembre 2015, a modifié la donne. D’abord alliés aux Iraniens qui
soutenaient Damas et avaient envoyé des milliers de Gardiens de la
Révolution pour soutenir l’armée syrienne, les Russes se sont rapprochés
des Turcs dans une alliance stratégique comprenant plusieurs volets,
dont le rapprochement de leurs opérations sur la Syrie : les Russes
obtenaient de prendre Alep et les Turcs abandonnaient les rebelles,
tournant le dos aux puissances sunnites de la région, et obtenaient
d’écraser les Kurdes qui constituaient un Kurdistan autonome au Nord de la Syrie.
Mais au-delà du dossier syrien, cette nouvelle alliance entre les
héritiers des empires ottoman, perse et tsariste, ouvre deux défis
majeurs pour les Européens.
Alliance de revers. Le
premier est la constitution d’une alliance de revers pour les
Européens, à l’instar de l’alliance des Trois Empereurs qui, après la
défaite de 1870, visait à isoler la France par l’alliance bismarckienne
des empires allemand, austro-hongrois et russe. Cette alliance politique
entre Moscou, Ankara et Téhéran présente le risque d’isoler l’Europe,
prise en étau entre une Amérique isolationniste à l’Ouest
et des puissances autoritaires à l’Est. C’est le défi de la prochaine
décennie pour les Européens avec trois questions distinctes : réussir à
renouer une relation franche avec la Russie ; préserver l’européanité
d’une partie de la Turquie qui présente encore des traits
démocratiques ; réussir la mise en œuvre de l’accord sur le nucléaire
iranien pour conduire une évolution en douceur du régime des mollahs.
Le second défi est celui de l’énergie car il existe une convergence
d’intérêt entre Moscou, Ankara et Téhéran sur ce point. D’une part,
l’Europe représente un marché captif gigantesque et inépuisable pour les
producteurs de pétrole et de gaz que sont la Russie et l’Iran, lesquels
ont besoin de la Turquie pour faire transiter leurs énergies. La Russie
et la Turquie ont lancé le projet Turkish Stream, alors que Moscou et
Téhéran ont été les « deals maker » du récent accord conclu à l’OPEP sur
la stabilisation de la production.
Les Européens doivent réagir à la cristallisation de cette alliance.
La question centrale est celle de la relation avec Moscou, partenaire
stratégique complexe mais inévitable. La communauté culturelle forte
entre les Européens et les Russes doit être défendue, au-delà des
divergences du moment. 2017 verra la mise en place de l’administration
Trump, l’élection d’un nouveau président français puis les élections
générales allemandes et le 100e anniversaire de la Révolution
russe. (suite payante sur L'Opinion
II «La Russie est faible, ne l’oublions pas»
Alors que les bilans de l’année fleurissent dans la presse, tout le monde célèbre « l’année Poutine »,
homme de l’année 2016 avec Donald J. Trump pour avoir imposé la « pax
poutinia » en Syrie et fait coup double en devenant tellement fort au
Moyen-Orient que le sujet de l’annexion de la Crimée a disparu des
écrans diplomatiques. Il est aussi probablement intervenu dans les élections américaines
assez habilement pour que son candidat, Donald Trump, puisse l’emporter
(grâce à 80 000 voix acquises dans la Michigan, le Wisconsin et la
Pennsylvanie) sans déclencher cependant un scandale qui aurait conduit à
l’invalidation de l’élection.
Qu’il ne faille pas ostraciser la Russie, c’est une évidence. Mais,
de là à faire de Poutine le maître du jeu international, il y a un pas
qu’il est ridicule de franchir. Regardons d’abord la situation en
Russie. Depuis qu’il est au pouvoir, Poutine n’a pas réussi à moderniser
le pays : son économie est faible car trop dépendante des matières
premières, son PIB est inférieur à celui de l’Italie pour une population
plus de deux fois plus importante et qui stagne depuis vingt-cinq ans
(elle était de 148 millions d’habitants en 1991), la corruption est très
présente et les impasses stratégiques majeures. Poutine en effet n’a
pas réussi à mettre en œuvre son programme fondé sur trois piliers : le
contrôle des anciennes Républiques soviétiques, un partenariat avec les
Etats-Unis, une politique commerciale et d’investissements avec les
Européens. Cette politique devait permettre la stabilité extérieure pour
assurer la modernisation intérieure.
Logique d’expansion extérieure.
C’est tout le contraire qui s’est produit : incapable d’engager les
réformes nécessaires de l’appareil productif russe, il s’est lancé
depuis trois ans dans une logique d’expansion extérieure, à la faveur de
la crise ukrainienne et syrienne en profitant des maladresses
occidentales (l’accord d’association Ukraine-Union européenne et le
non-respect de sa parole par Obama sur les armes chimiques). Pour y
arriver, il a misé sur la force militaire et sur la stratégie
d’influence politique. Mais la Russie n’a plus les capacités
d’attraction économique, diplomatique, scientifique ou culturelle
qu’elle avait du temps de l’Union soviétique.
Quant à la situation au Proche-Orient, attendons un peu avant de célébrer la force de Poutine : certes, il a maintenu à bout de bras le régime d’Assad,
rayé les opposants de la carte et montré la faiblesse occidentale dans
la région en imposant avec l’Iran une paix sans les Américains, ni les
Européens ni même les Arabes et en contraignant les Turcs à le rejoindre
pour contrer la nouvelle légitimité des Kurdes. Mais il a maintenant
deux défis devant lui : éviter que les djihadistes caucasiens très
nombreux dans les rangs de Daech et d’al-Nosra ne se retournent contre
la Russie en Russie mais aussi gérer la suite en Syrie :
faut-il la couper en deux ? A l’ouest la Syrie utile, aux mains non de
Bachar mais de la Russie et de l’Iran via des mini-Hezbollahs locaux qui
s’implanteraient. Mais quoi à l’Est ? Un Sunnistan agressif ? La
reconquête totale du territoire ? Mais, avec quelle population ? Et quid
des réfugiés ? Et du projet national ? La Syrie peut devenir si ce
n’est un nouvel Afghanistan en tout cas une zone d’instabilité forte
pour Poutine qui est maintenant redevable de sa stabilité. On verra
alors s’il est si fort…
L'Opinion
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