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mardi 11 mars 2014

Russophilie : c'est grave docteur ?

L'anschluss putinien ne provoque guère d'émoi dans la mouvance patriotique française.
Un homme s'arroge donc le droit d'annexer la Crimée à la Russie, de modifier unilatéralement les frontières de l'Ukraine, et tout le monde ou presque en France trouve ça normal ! De Zemmour à Marine Le Pen, de Polémia à Réalpolitik, du forum du Figaro à celui du Monde, il y a comme de la Poutinolâtrie dans l'air. Quant à moi, la contagion russophile me laisse perplexe. C'est terrible à dire, mais sur ce coup, je trouverais presque Flamby sympathique*.
Alors, la Russie, ce serait ça, le nouveau modèle qu'il faudrait choisir pour « remplacer » celui de l'Occident décadent ? Non, merci.
N'en déplaise à Monsieur Zemmour, Poutine n'est pas qu'un patriote. C'est aussi un expansionniste. C'est là que le bât blesse. Par l'annexion de la Crimée, il entre en guerre contre d'autres patriotes : les patriotes Ukrainiens. Ces derniers, apparemment, ne sont pas dignes d'intérêt. L'ogre russe ferait-il si peur que l'on n'ose le critiquer (ou si mollement) ? C'est compréhensible de la part de nos gouvernants, étant donné l'état de déliquescence de nos forces armées.

Mais z'enfin, de la part « d'esprits libres », je m'étonne d'une telle russophilie. Ce qui serait valable pour la Syrie, la Lybie ou l'Irak, à savoir la condamnation de l'agression d'une puissance étrangère envers une nation souveraine ne le serait pas pour l'Ukraine ? Ce qui est dénoncé à juste titre lorsque l'OTAN est l'agresseur devrait être pardonné lorsque la Russie est l'agresseur ! Et pourquoi ? Parce qu'il faudrait automatiquement se placer pour ou contre l'OTAN, pour ou contre la Russie ? Il n'y aurait qu'un choix binaire ? Le monde pourtant devient multi-polaire. Il faudrait ignorer l'Ukraine uniquement par détestation de l'Amérique ? L'alternative à Obama et Hollande, ce serait approuver Poutine quelles que soient ses actions ? Mais quel manque de fierté ! Quel esprit de soumission !Quel manque de foi en une Europe puissante et indépendante vis-à-vis du bloc Russe ou Américain.
Alors il faudrait laisser la Russie agir à sa guise, et il faudrait, nous, européens véritables, se désolidariser de l'Europe de l'est, laisser tomber l'Ukraine, la Pologne, la Lituanie, la République Tchèque, la Slovaquie... (tous ces pays qui, rappelons-le, faisaient partie de l'Union Soviétique, et qui aujourd'hui condamnent sans réserve l'invasion russe) ?
Non, merci.
Que Poutine devienne nostalgique des frontières de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, c'est une chose. Que les patriotes français soient si unanimement amorphes devant cette actualité (Michel Geoffroy écrivait même, dans Polémia, un article intitulé « A Kiev, rien de nouveau ! ». Il fallait oser...), voilà qui est bien décevant. Il n'y aurait que des considérations mercantiles à attendre des patriotes français? La formule « Patriotes de tous les pays, unissez-vous ! », n'est-ce qu'une coquille vide ? Même sans aller jusqu'à tous les pays du monde, on aurait pu penser qu'à minima, pour ce qui est de l'Europe, il puisse y avoir quelques personnalités qui n'oublient pas cette belle idée de patriotisme. Cela ne serait pas valable pour l'Ukraine ? Mais je suis un peu injuste : quelques patriotes ne le sont pas, amorphes. Certains n'ont pas abandonné cet idéal d'une « Europe puissance », quand bien même celle-ci semble si loin de la réalité des forces en présence. Et quoi ? Ce n'est pas parce qu'un combat semble perdu qu'il ne faut pas le mener.


CONCLUSIONS :
Sur l'Ukraine en particulier :
- Dénoncer l'invasion militaire de l'Ukraine par la Russie
- Soutenir autant que possible les patriotes Ukrainiens (qui ne se reconnaissent pas dans une UE cosmopolite et décadente). Cela est assez difficile car ils ont contre eux à la fois la Russie et l'UE, et cumulent cela avec le désintérêt de nombreux patriotes français (apparemment les considérations mercantilistes ont de beaux jours devant elles).
- Constater que les patriotes ukrainiens ont combattu aux côtés des ukrainiens partisans de l'UE à Maïdan.
- Par conséquent, et en absence d'un autre choix : soutenir l'UE, temporairement et uniquement sur cette question Ukrainienne, à condition toutefois qu'elle ne se déclare pas « ennemie des patriotes Ukrainiens ». C'est ce qu'on appelle une alliance de circonstance...
- Ce dernier choix a aussi l'avantage d'afficher sa solidarité avec les pays européens qui se sont libérés du joug communiste (Pologne, Lituanie, République Tchèque...) et qui condamnent fermement l'agression de la Russie poutinienne envers l'Ukraine.

Sur l'Europe en général :
Peut-être serait-il temps, si l'on souhaite une Europe européenne, indépendante des Etats-Unis et qui n'aurait pas à trembler devant une Russie expansionniste, de prendre conscience que  :
- Sur le plan énergétique : le gaz russe ne doit pas être une arme de soumission massive ! « La dépendance de l'Allemagne au gaz Russe menace la souveraineté de l'Europe » déclarait le premier ministre polonais. Il faut diversifier les sources d'approvisionnement (comme le fait la France : gaz provenant de Russie, mais aussi de Norvège, d'Algérie, etc), diversifier les types d'énergie utilisées (l'énergie renouvelable est largement insuffisante, il faut utiliser l'énergie nucléaire), investir en R&D.
- Sur le plan militaire : pour peser en matière internationale, les discours et les bons sentiments ne suffisent pas. Poutine ment comme il respire, mais il agit et il a les moyens d'agir. Une armée puissante est un élément de dissuasion. Mais une armée coûte cher ; il est illusoire de croire que la France, seule, retrouvera son éclat passé. Il faut donc : 1/ renforcer la coopération militaire entre pays européens 2/ Arrêter toutes les dépenses inutiles ou destructrices (notamment toutes celles liées de près ou de loin à l'immigration) 3/ Rétablir le service militaire obligatoire (que Chirac a supprimé).
- « L'Europe puissance » nécessite aussi plus de solidarité entre ses membres : on observe sur la carte ci-dessous que les pays européens sont loin de partager la même position.
- Aux américanophobes qui croient être russophiles, posez vous les questions suivantes : pouvez-vous citer 10 acteurs américains ? 10 acteurs russes ? 10 chanteurs ou groupes américains ? 10 chanteurs ou groupes russes ? Pouvez-vous lire un mot en Russe (si vous ne connaissez pas l'alphabet cyrillique) ? Pouvez-vous lire un mot (même si vous n'en comprenez pas la signification) en anglais, en allemand, en lituanien, en roumain ? Avez-vous déjà vu une série TV russe ? Avez-vous déjà entendu de la variété russe ? Difficile pour ce qui concerne le Russe, n'est-ce pas? Et demandez-vous pourquoi.
- Enfin, je voudrais dire ceci :
Une Ukraine ukrainienne n'est pas une Ukraine sous la coupe de l'UE ou des USA
Une Ukraine ukrainienne n'est pas non plus une Ukraine sous la coupe des Russes
Une Ukraine ukrainienne dans une Europe européenne, c'est une Ukraine souveraine, indépendante, libre, dont les frontières sont reconnues et respectées. On peut penser que les patriotes Ukrainiens sont trop radicaux, certes. Et pourtant, ce n'est pas avec des enfants de choeur qu'on résiste à un impérialiste.
Ce qui compte, c'est l'Idée européenne seulement. Non pas un prétexte sentimental ou mercantile, mais une idée et une foi désintéressée en elle, quelque chose, en un mot, à exalter, à admirer.

Pierre Aron





 Carte reproduite depuis le site Huffingtonpost









*   On ne peut que le suivre lorsqu'il déclare : "Il ne peut y avoir de référendum sur l'avenir de la Crimée "sans que l'Ukraine elle-même n'ait décidé de l'organiser", a déclaré vendredi le président François Hollande, rejetant ainsi la consultation annoncée pour le 16 mars par les partisans du rattachement de la péninsule à la Russie." (Huffington post 07/03/2014)





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