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vendredi 7 mars 2014

Crimée : à Sébastopol, l'angoisse et l'amertume des Ukrainiens

Ultra-minoritaires, les Ukrainiens de Crimée se sentent assiégés et attendaient une aide de l'Otan ou de l'Europe. Résignés, ils songent à l'exil.

Sébastopol. Ukrainien de père et de mère, l'ancien officier de l'armée rouge soviétique de 53 ans est aujourd'hui un homme d'affaires important localement. Après quelques années dans différentes anciennes républiques soviétiques, Olexandre habite en Crimée depuis plus de dix ans, où ses affaires dans le domaine de la construction sont florissantes. "Étaient florissantes", rectifie-t-il au volant de sa Land Rover flambant neuve, cigarette au bec, garé sur un parking près de la zone portuaire. La totalité de la conversation aura lieu dans son véhicule, l'homme - qui préfère rester anonyme - craignant qu'on entende ses propos s'ils étaient tenus dans un des nombreux cafés de la ville la plus peuplée de Crimée (80 000 habitants). "Regardez ces photos, hier, dans la parc de la Victoire, est apparu ce gibet, avec cette pancarte "On les aura tous". Mais qu'est-ce que ça veut dire ?" Sa voix tremble de colère. "Dans cette partie de l'Ukraine, les gens comme moi ne se sont jamais sentis à l'aise. La propagande impérialiste russe n'est pas nouvelle. Grâce à ces événements, elle a simplement montré son vrai visage. Le lavage de cerveau des télévisions russes est permanent et tout le monde les regarde !" Père de quatre enfants qui s'expriment aussi bien en ukrainien qu'en russe, Olexandre se plaint de l'absence d'une "véritable école secondaire ou maternelle" en langue ukrainienne. "Il n'existe ici que des groupes ou des classes."
Il est accompagné de Tamara, une de ses collaboratrices, née en Crimée - mais qui se proclame "ukrainienne" -, dont le mari, officier de l'armée ukrainienne, n'est pas rentré à la maison depuis six jours. "Mon mari me dit que les Russes qui les encerclent leur demandent trois choses : prêter serment au peuple "de Crimée", démissionner ou quitter la péninsule. Il leur répond qu'il a prêté serment au peuple ukrainien et tient à respecter ce serment !" En l'absence d'un réel coup de force, mais aussi de dialogue, les soldats russes continuent à empêcher tout mouvement d'entrée et de sortie de cette base qui se trouve dans le centre de Sébastopol. Retranchés dans leurs bâtiments, les soldats ukrainiens sont, quant à eux, perplexes de ne recevoir aucun ordre de leurs supérieurs à Kiev. "Ils meurent de faim à l'intérieur. Nous, les femmes, on va leur acheter du pain et des conserves et on doit les leur balancer par-dessus le mur ! Il paraît que ça va durer jusqu'au référendum du 16 mars..."
En état de choc, Tamara et Olexandre s'estiment tous deux "otages" sur leur propre terre. Ils avaient espéré une "intervention de l'Otan", ou une véritable aide concrète en provenance d'Europe ou des États-Unis, mais sont tristes et lassés de ne rien voir venir. Ses affaires ne tournant absolument plus, Olexandre pense déjà à mettre sa famille à l'abri en dehors de la péninsule et à tout vendre. À qui ? "À des Russes, bien sûr, qui seront sûrement ravis de tout me racheter. Qui, à part eux, viendra investir ici ? Tous les hommes d'affaires du monde entier ont besoin de stabilité."





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